Aujourd’hui, on va voir comment négocier une rupture conventionnelle pour devenir entrepreneur. Vous êtes salarié et vous avez créé une entreprise dans laquelle vous souhaitez vous investir à temps plein ? Alors, sachez que ce mode de rupture de contrat de travail d’un commun accord est le plus avantageux. Le tout est de connaître les règles qui entourent la rupture conventionnelle. Ceci afin d’augmenter vos chances d’obtenir l’accord de votre employeur et la meilleure indemnité de départ !
C’est maître Souad Abdelbahri, avocate spécialisée en droit du travail, qui va vous donner toutes les clés pour négocier au mieux une rupture conventionnelle. Eh oui, car le passage du salariat vers l’entrepreneuriat ne s’improvise pas ! Voici une partie du programme qui vous attend : techniques de négociation, indemnité spécifique de rupture conventionnelle, pièges à éviter, droits à l’allocation chômage, aide à la reprise ou à la création d’entreprise, importance du protocole d’accord transactionnel, etc. Allez, c’est parti !
POURQUOI OPTER POUR UNE RUPTURE CONVENTIONNELLE ?
Vous obtenez une indemnité spécifique de rupture conventionnelle
Négocier une rupture conventionnelle pour devenir entrepreneur vous permet de percevoir une indemnité de départ. Le montant minimum légal représente un quart de salaire mensuel par année d’ancienneté.
Cependant, sachez que votre convention collective peut prévoir des modes de calcul plus intéressants. Et le minimum concernant l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle peut être négocié avec votre employeur !
Vous bénéficiez de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE)
Un autre avantage de la rupture conventionnelle est que, après la fin de votre contrat de travail, vous pouvez bénéficier de l’allocation chômage d’aide au retour à l’emploi (ARE). Cette allocation peut donc vous permettre de lancer votre activité à temps plein en ayant une sécurité financière.
Par contre, prenez en compte que vous aurez tout de même, au minimum, huit jours de carence. Celle-ci ne représente pas une perte, mais juste un décalage sur la perception de l’allocation d’aide au retour à l’emploi.
Vous percevez l’aide à la reprise ou à la création d’entreprise (ARCE)
Après une rupture conventionnelle et une fois inscrit à France Travail, vous pouvez bénéficier de l’ARCE (aide à la reprise ou à la création d’entreprise). 60 % de vos droits d’allocation d’aide au retour à l’emploi vous sont alors versés en deux fois, sous forme d’un capital.
Petites informations supplémentaires :
- L’abandon de poste peut désormais être considéré comme une démission. Attention, car dans ce cas, vous ne percevez pas d’allocation d’aide au retour à l’emploi.
- Vous pouvez bénéficier de l’ARE et de l’ARCE en cas de licenciement, même pour faute grave.
- Renseignez-vous sur les autres aides existantes auprès de votre région, de la CCI, BPI, etc.
QUELS SONT LES ÉLÉMENTS À EXAMINER DANS UN CONTRAT DE TRAVAIL AVANT DE DEMANDER UNE RUPTURE CONVENTIONNELLE ?
La clause d’exclusivité
Avant de lancer votre business et de négocier une rupture conventionnelle pour devenir entrepreneur à temps plein, vérifiez quelques points importants dans votre contrat de travail. Le premier concerne la présence d’une éventuelle clause d’exclusivité. Celle-ci s’applique durant l’exécution de votre contrat, jusqu’à ce qu’il soit rompu.
Une clause d’exclusivité prévoit, en général, que vous n’avez pas le droit d’exercer une autre activité. Cependant, celle-ci doit être délimitée, car l’entreprise n’a pas le droit de vous interdire toute activité, sauf cas exceptionnel.
Une clause d’exclusivité peut donc, par exemple, vous empêcher de créer un side project précis tant que vous êtes sous contrat. Ainsi, si vous avez déjà lancé votre business, votre employeur peut vous sanctionner via un avertissement, un blâme, une mise à pied, voire un licenciement pour avoir créé une activité en violation du contrat de travail.
La clause de non-concurrence
Le deuxième point important à examiner dans votre contrat de travail concerne la clause de non-concurrence. Celle-ci s’applique après la rupture du contrat.
Une clause de non-concurrence doit respecter plusieurs conditions. En effet, votre employeur ne peut pas vous interdire toute activité, dans toute la France, durant cinq ans après votre départ de l’entreprise. Cela serait contraire à votre liberté d’entreprendre en tant que salarié.
Les conditions de la clause de non-concurrence sont donc toujours limitées géographiquement, dans le temps et justifiées par les intérêts de la société.
Vous devez donc vous assurer que cette clause de non-concurrence, si elle existe, soit levée lors de la rupture de votre contrat de travail. Si ce n’est pas le cas et que la clause s’applique, votre employeur a l’obligation de vous verser une indemnité pour compenser l’interdiction d’exercer une activité concurrente pendant un certain laps de temps.
Si la validité ou l’application de cette indemnité liée à la clause de non-concurrence est remise en question, consultez un avocat en droit du travail. Ceci afin d’éviter tout litige ou contentieux. Et il en va de même si quelques mois après votre départ de l’entreprise, votre ancien employeur agite la clause de non-concurrence.
COMMENT NÉGOCIER UNE RUPTURE CONVENTIONNELLE POUR DEVENIR ENTREPRENEUR ?
Évitez d’exposer directement votre projet entrepreneurial
La rupture conventionnelle pour devenir entrepreneur est le mode de rupture de votre contrat de travail le plus avantageux. Pour augmenter les chances que votre employeur l’accepte, inutile de mettre en avant le fait que vous vous lancez dans l’entrepreneuriat.
L’idée n’est pas de cacher des informations importantes à votre employeur (ce qui pourrait lui permettre de se retourner contre vous). Cependant, évitez de lui exposer directement votre projet entrepreneurial afin de ne pas être en position de vulnérabilité pour la négociation.
Vous pouvez, par exemple, lui dire que vous souhaitez vous lancer à votre compte, sans expliquer précisément que vous avez déjà créé votre entreprise 😉.
Trouvez l’intérêt que peut avoir votre employeur à vous accorder une rupture conventionnelle
Identifiez les avantages que peut avoir votre employeur à accepter votre départ de l’entreprise, afin qu’il y trouve lui aussi un bénéfice. Voici quelques exemples :
- Expliquez que vous n’êtes plus motivé pour le poste que vous occupez afin que votre employeur comprenne qu’il a tout à gagner à trouver un autre salarié plus enthousiaste.
- Proposez de former la personne qui vous remplacera afin qu’elle atteigne rapidement les objectifs attendus par l’entreprise.
- Si votre employeur a fait preuve de manquement, expliquez-lui qu’une rupture conventionnelle est une meilleure option que de laisser la situation s’aggraver (ex. saisir les Prud’hommes). Tout cela sans jamais faire de chantage, évidemment !
Proposez un protocole d’accord transactionnel
Le protocole d’accord transactionnel est un document signé par les deux parties. Il peut, par exemple, vous engager à ne saisir aucune juridiction à l’encontre de l’entreprise ou des autres entreprises du groupe après votre départ. D’autres points peuvent être ajoutés à cet accord transactionnel, comme le fait que votre employeur ne portera pas atteinte à votre réputation professionnelle.
Si vous le pouvez, faites-vous assister d’un avocat pour établir un protocole d’accord transactionnel, car, après avoir signé ce document, vous n’avez plus aucun recours possible. Vous devez donc être certain qu’aucun point n’a été oublié et que vous avez compris la totalité des termes de l’accord 🤓.
QUELS SONT LES POINTS À VÉRIFIER SUR LE FORMULAIRE DE RUPTURE CONVENTIONNELLE ?
Le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle
Après avoir obtenu l’accord de votre employeur, vous signez un formulaire CERFA de rupture conventionnelle. Celui-ci prévoit principalement le montant de votre indemnité de départ.
Vous devez donc absolument vérifier que ce montant correspond au minimum légal (un quart de salaire mensuel par année d’ancienneté) ou plus si vous l’avez négocié. Et n’oubliez pas de vérifier si ce montant est brut ou net 😉.
La date de rupture du contrat de travail
Le formulaire de rupture conventionnelle prévoit également votre date de sortie de l’entreprise. En effet, sachez qu’il n’y a pas de notion de préavis lorsque vous signez une rupture conventionnelle. Par exemple :
- Un salarié a trois mois de préavis dans le cadre d’une démission.
- Ce salarié a un entretien avec son employeur en vue d’une rupture conventionnelle le 1er septembre. Ils se mettent d’accord le jour même et signent le formulaire de rupture à l’amiable.
- Un délai de 15 jours de réflexion doit ensuite être respecté avant l’envoi du formulaire à l’administration.
- Le 16 septembre, l’employeur adresse le formulaire à l’administration et celle-ci a un délai de 15 jours pour le valider. Si elle ne le valide pas durant ce délai, la rupture conventionnelle est considérée comme homologuée.
Vous voyez, dans cet exemple, que le salarié peut quitter l’entreprise sous 1 mois, au lieu des 3 mois de préavis prévus en cas de démission. Donc, avant d’aller négocier votre rupture conventionnelle pour devenir entrepreneur à temps plein, réfléchissez à la date à laquelle vous souhaitez quitter l’entreprise (1 mois, 3 mois, 6 mois, etc.).
DE QUELLES MANIÈRE UN AVOCAT PEUT-IL INTERVENIR DANS UNE NÉGOCIATION ?
Vous pouvez faire appel à un avocat afin de négocier une rupture conventionnelle. Celui-ci peut :
- Intervenir directement auprès de l’entreprise pour négocier la rupture conventionnelle (ex. afin d’obtenir une indemnité de départ supérieure au minimum légal).
- Vous venir en aide sous forme de coaching afin de vous orienter dans vos demandes, vous préparer à l’entretien avec votre employeur, optimiser la somme reçue afin de payer le moins d’impôts possible, etc. L’aspect mindset et la peur d’échanger avec votre employeur peuvent également jouer dans les négociations. Donc, n’hésitez pas à être soutenu pour obtenir les meilleures indemnités de départ, économiser du temps et maximiser vos chances de succès.
Gardez en tête qu’un avocat n’intervient pas seulement lorsqu’un problème survient, mais également en prévention. C’est pourquoi, dès que l’envie de quitter votre entreprise pour vous lancer à votre compte pointe le bout de son nez, vous pouvez anticiper la procédure à suivre avec un avocat 🥑.
POURQUOI DEVRIEZ-VOUS SOUSCRIRE UNE PROTECTION JURIDIQUE ?
Que vous soyez salarié ou entrepreneur, il est fortement recommandé de souscrire une protection juridique auprès de votre banque ou de votre assurance, par exemple. Celle-ci revient environ à 10 euros par mois.
D’ailleurs, en tant qu’entrepreneur, vous pouvez (ou parfois devez) souscrire une responsabilité civile professionnelle. Pensez alors simplement à prendre en plus une option de protection juridique.
La protection juridique vous permet d’avoir une prise en charge partielle ou totale des honoraires d’avocats en cas de besoin. Cependant, vous devez souscrire cette protection juridique avant qu’un litige ne survienne 😉.
Et surtout, prêtez attention à ces deux points avant de souscrire votre protection juridique :
- Existe-t-il un délai de carence entre votre souscription et le déclenchement de la protection juridique (ce délai peut parfois être de 3 mois, voire de 6 mois) ?
- Quel est le tableau des garanties ? Ne vous fiez pas uniquement au plafond, mais consultez le tableau qui indique le montant auquel vous avez le droit, procédure par procédure, évènement par évènement.
QUELLES ERREURS ÉVITER LORS D’UNE RUPTURE CONVENTIONNELLE POUR SE LANCER DANS L’ENTREPRENEURIAT ?
Voici quelques erreurs à éviter dans le processus de négociation d’une rupture conventionnelle pour devenir entrepreneur :
- Oublier de vérifier les clauses présentes dans votre contrat de travail (clause d’exclusivité et/ou clause de non-concurrence).
- Envoyer directement un courrier à votre employeur pour demander une rupture conventionnelle. Certaines personnes veulent éviter toute discussion, par peur d’être confrontées à leur employeur. Cette solution est à éviter absolument afin de maximiser vos chances d’acceptation.
- Créer votre entreprise uniquement pour fuir une situation difficile au travail. Si vous vivez ce type de contexte, faites-vous aider par un professionnel de santé ou un coach avant de vous lancer à votre compte. Ceci afin de ne pas succomber au syndrome de l’objet brillant et de vous reconstruire réellement ❤️.